Appel à communication

L’« encyclopédie libre » Wikipédia, l’un des sites web les plus consultés au monde, fêtera ses 24 années d’existence en janvier 2025. Ce projet collaboratif singulier a rapidement attiré l’attention des médias, mais a également fait l’objet de travaux de recherche aux approches variées. Ont ainsi été examinés son usage aussi bien dans le cadre pédagogique (Barbe & Severo, 2021) que lors de graves crises politique (Ford, 2022), le fonctionnement de ses communautés de contributeurs (Bruckman, 2022) et son évolution (Reagle & Koerner, 2020), ou encore son rapport à la connaissance (McDowell & Vetter, 2022) et à l’actualité (Doutreix, 2020). Wikipédia reste un terrain d’étude extrêmement fécond et sans cesse renouvelé, mais qui ne peut désormais plus être qualifié d’« objet scientifique non identifié » (Barbe et al., 2015).

En revanche, le mouvement Wikimédia, dans lequel s’inscrit le développement de l’encyclopédie, et les autres projets collaboratifs qu’il nourrit (Wiktionnaire, Wikimedia Commons, Wikidata, Wikisource, etc.) restent dans l’ombre de ce succès. Si des services numériques populaires (moteurs de recherche, assistants vocaux, etc.) s’appuient abondamment sur les productions issues de ces projets, le fonctionnement de ces derniers n’est que rarement montré dans les médias et encore moins problématisé auprès du grand public. De la même manière, si ces données constituent désormais un matériau commun pour certains travaux de recherche (notamment pour l’entraînement d’algorithmes), peu de chercheurs se sont penchés sur leurs conditions de production, de gestion et de conservation. Ces projets constituent pourtant – au moins autant que Wikipédia, mais selon des modalités souvent différentes – des terrains d’une grande richesse pour l’étude de problématiques liées à la culture participative (Jenkins et al., 2015), aux pratiques des amateurs (Flichy, 2010), aux communs de la connaissance (Le Crosnier, 2018), ou encore à l’animation de communautés en ligne (Heaton et al., 2012). Ils représentent également, dans le contexte actuel de suprématie des GAFAM (Ertzscheid, 2017) et d’un certain désenchantement de l’internet (Badouard, 2017), la persistance de trajectoires alternatives (Saemmer, 2016) et de certaines formes d’utopies du numérique (Turner, 2010).

Cette journée d’études propose donc d’accueillir des travaux de recherche originaux montrant toute la diversité du mouvement Wikimédia. Ils pourront porter sur les projets officiels de la Wikimedia Fondation ou de Wikimédia France (à l’exclusion des travaux ne portant que sur l’encyclopédie Wikipédia) et les projets qui bénéficient de leur soutien (Vikidia, Lingua Libre, etc.), mais aussi sur des terrains à l’intersection de plusieurs de ces projets (la Fondation et ses chapitres locaux, Metawiki, Mediawiki, Wikimania, etc.).

Ces travaux pourront examiner :

• les productions de ces projets, leurs usages (dans les autres projets Wikimédia ou en dehors), leur représentativité (biais, exhaustivité), leurs statuts juridiques (licences, gouvernance) ;

• les usagers impliqués (bénéficiaires et contributeurs), leurs caractéristiques (démographie, carrières d’usage), leur coordination (règles, procédures, hiérarchies), leur sociabilité (rencontres, discussion) ;

• les dispositifs employés, leurs interfaces (développement, ergonomie), leur apprentissage (littératie, documentation), leur appropriation (détournement, hacking).

Ils pourront mobiliser l’ensemble des méthodes des sciences humaines et sociales, qualitatives ou quantitatives, observationnelles ou expérimentales, portant sur les contenus, les dispositifs, les traces d’usages ou encore les personnes impliquées. Ils privilégieront des approches socio-techniques, explorant les interactions entre les contenus, les outils, leurs créateurs, leurs utilisateurs, ainsi que les configurations sociales générées par les différents projets. Des communications approfondissant les enjeux politiques, examinant les controverses qu’ils suscitent ou encore projetant des scénarios futurs sont également bienvenues.

 

Bibliographie

Badouard, R. (2017). Le désenchantement de l’internet. Désinformation, rumeur et propagande. FYP éditions.

Barbe, L., Merzeau, L., & Schafer, V. (Éds.). (2015). Wikipedia, objet scientifique non identifié. Presses Universitaires de Paris Ouest (PUPO). http://books.openedition.org/pupo/4079

Barbe, L., & Severo, M. (Éds.). (2021). Wikipédia, objet de médiation et de transmission des savoirs. Presses universitaires de Paris Nanterre. https://books.openedition.org/pupo/15040

Bruckman, A. S. (2022). Should you believe Wikipedia? : Online communities and the construction of knowledge. Cambridge University Press.

Doutreix, M.-N. (2020). Wikipédia et l’actualité : Qualité de l’information et normes collaboratives d’un média en ligne. Presses Sorbonne Nouvelle.

Ertzscheid, O. (2017). L’appétit des géants : Pouvoir des algorithmes, ambitions des plateformes. C&F Éditions.

Flichy, P. (2010). Le sacre de l’amateur. Sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique. Seuil.

Ford, H. (2022). Writing the revolution : Wikipedia and the survival of facts in the digital age. MIT Press.

Heaton, L., Millerand, F., & Proulx, S. (2012). Émergence d’une communauté épistémique : Création et partage du savoir botanique en réseau. Connexions: communication numérique et lien social, 253‑268.

Jenkins, H., Ito, M., & Boyd, D. (2015). Participatory culture in a networked era : A conversation on youth, learning, commerce, and politics. John Wiley & Sons.

Le Crosnier, H. (2018). Une introduction aux communs de la connaissance. tic&société, 12(1), 13‑41. https://doi.org/10.4000/ticetsociete.2481

McDowell, Z. J., & Vetter, M. A. (2022). Wikipedia and the Representation of Reality. Routledge.

Reagle, J., & Koerner, J. (Éds.). (2020). Wikipedia@ 20 : Stories of an incomplete revolution. The MIT Press. https://direct.mit.edu/books/oa-edited-volume/4956/Wikipedia-20Stories-of-an-Incomplete-Revolution

Saemmer, A. (2016). Cultures numériques : Alternatives. Hybrid. Revue des arts et médiations humaines, 3. https://doi.org/10.4000/hybrid.929

Turner, F. (2010). From counterculture to cyberculture : Stewart Brand, the Whole Earth Network, and the rise of digital utopianism. University of Chicago Press.

 

 

 

Organisateurs

Dicen      Wikimédia

Bannière dérivée de la photographie « Opening ceremony Wikimania 2019 Stockholm 4 », publiée par Vysotsky sous licence Creative Commons BY-SA.

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